Ministre de l’intérieur de Lionel Jospin (1997 à 2002), Daniel Vaillant, aujourd’hui député et maire du XVIIIe arrondissement de Paris, souhaite que l’État, malgré la crise, poursuive les investissements qu’il juge nécessaires. Egalement en faveur du mariage pour tous, du vote des étrangers et de l’utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques, il revient, pour GazetteINFO, sur ces grandes questions qui animent le débat politique.
GazetteINFO.fr : Le mariage pour tous a été adopté à l’Assemblée nationale. Vous avez voté pour, mais les débats ont été animés…
Daniel Vaillant : Il y a cinq ans, si vous m’aviez posé la question, je vous aurais répondu que je n’y étais pas favorable. Mais le propre d’un démocrate et d’un homme de gauche, c’est de savoir évoluer.
Le gouvernement avait tablé pour 2013 sur une croissance de 0,8 %, à laquelle personne ne croyait. Il est revenu sur cette prévision. Cela annonce-t-il une cure d’austérité ?
Non. En tout cas, je ne la souhaite vraiment pas. Une gestion rigoureuse, oui. La rigueur, non. Il n’y aura pas de croissance en 2013, mais il n’y aura pas non plus de récession.
Mais la France ne pourra pas tenir ses objectifs de réduction du déficit à 3 %…
Si le déficit est de 3,2 ou 3,3 % à la fin de l’année 2013, ce ne sera pas un drame. Le plus important, c’est de tenir l’objectif de réduction du déficit d’ici à la fin du quinquennat de François Hollande. Nous ne renonçons pas à cet objectif. L’équilibre sera atteint en 2017. Jean-Marc Ayrault l’a dit, et je le crois.
Jérôme Cahuzac, le ministre du Budget, a laissé entendre que le déficit serait comblé plutôt par les impôts que par la baisse des dépenses publiques. Les impôts vont-ils augmenter ?
Non, car l’impôt peut être plus juste et plus efficace sans qu’il soit nécessaire de l’augmenter. Il y a encore beaucoup de niches fiscales à remettre en cause. Il faut lutter davantage contre la fraude fiscale. Je suis favorable à ce que les dépenses publiques superfétatoires soient diminuées. Mais il ne faut pas tailler dans les budgets alloués aux services publics dont les Français ont vraiment besoin. Ni remettre en cause l’investissement, sans lequel nous ne parviendrons pas à réduire le chômage, et même à inverser sa courbe. L’investissement est synonyme de croissance et de créations d’emplois. Et il ne faut pas non plus réduire les dépenses concernant la santé, l’éducation, et tous les autres domaines prioritaires décidés par François Hollande.
Êtes-vous favorable au droit de vote des étrangers ?
Oui, depuis longtemps. François Mitterrand, dans sa campagne pour l’élection présidentielle de 1981 l’avait inscrit dans son programme, en sachant qu’il ne pourrait pas le faire passer. Je pense que le temps est venu de faire voter les étrangers aux élections locales. Ce serait un élément essentiel pour l’intégration. Il faudra bien sûr pour cela respecter certains critères incontournables pour pouvoir voter aux élections municipales. Mais il est normal qu’en étant en situation régulière, en vivant en France depuis plusieurs années et en payant ses impôts, on puisse participer aux élections locales.
Seulement, François Hollande ne semble guère pressé d’engager les débats. Les Français y semblent majoritairement hostiles, et le texte n’aurait pas l’assurance d’obtenir la majorité des 3/5e au Congrès…
À l’Assemblée nationale, il y a visiblement une majorité pour faire passer le texte. Au Sénat également. Mais au Congrès, cela semble plus incertain. Il faudrait qu’un texte préparé par le gouvernement soit présenté à l’Assemblée nationale, car une proposition de loi d’origine parlementaire ne permet pas d’envisager une réforme constitutionnelle.
Les opposants au droit de vote des étrangers assurent qu’il ne s’agit de rien d’autre qu’une mesure purement électoraliste…
Si elle est votée, elle ne sera de toute façon pas applicable pour les élections municipales de 2014. Il n’y a donc rien d’électoraliste dans cette volonté de faire voter les étrangers. Mais seulement une volonté de combattre l’exclusion sociale et de favoriser l’intégration.
Vous êtes favorable à l’utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques. Mais cette hypothèse semble se heurter à de nombreuses réticences, y compris dans votre propre camp…
Le mot qui pose problème, c’est cannabis. Il ne s’agit pas de faire fumer du cannabis aux personnes qui souffrent d’une grave maladie, mais de l’utiliser sous forme de décoctions ou d’inhalations. Ces personnes sont souvent mises sous morphine. Or, celle-ci a des effets secondaires très lourds. Il faut changer la loi de 1970 sur le cannabis. D’autres pays ont évolué sur la question. Il faudrait que la France le fasse aussi… .
Propos recueillis par M. Be